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CHP12 - 07. Une machine de guerre anti-hégélienne
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CHP12 - 07. Une machine de guerre anti-hégélienne

Le siècle du moi - 2ème partie

1. Introduction

Dans cet épisode, Michel Onfray poursuit l’étude de Max Stirner, en exposant sa confrontation directe avec Hegel et le système hégélien. À travers son ouvrage L’Unique et sa propriété, Stirner élabore une critique radicale de toute forme de transcendance, de système et d’institution, qu’il considère comme des aliénations de l’individu. Onfray présente Stirner comme une véritable machine de guerre anti-hégélienne, fondée sur l’affirmation absolue de l’unique, contre toute forme d’universel.

Max Stirner. Der Einzige und sein Eigenthum, Leipzig, october, 1844
Max Stirner. Der Einzige und sein Eigenthum, Leipzig, october, 1844

2. Stirner vs Hegel : deux visions opposées du monde

Onfray oppose Stirner, penseur du désordre et de l’immanence, à Hegel, architecte du système, de la triade et de l’ordre. Là où Hegel structure la pensée autour de catégories idéales et de la totalité dialectique, Stirner affirme que le réel n’est ni rationnel, ni ordonné, ni gouverné par des idées fixes. Il rejette l’idée même de système au nom d’une liberté existentielle radicale.


3. Le monde comme guerre de tous contre tous

Stirner conçoit le monde sur un mode éthologique, proche de Hobbes ou de Darwin : il n’y a que des forces en lutte, des prédateurs et des proies. L’individu est invité à s’affirmer comme force dominante ou à disparaître. La possession n’est pas fondée sur un droit, mais sur la capacité de s’approprier ce que l’on convoite. Le droit est une fiction ; seule la puissance réelle fonde la propriété.


4. La propriété : appropriation par la force

Contre Hegel qui voit dans la propriété une catégorie juridique et politique essentielle, Stirner affirme que :

  • Il n’y a pas de droit, mais des possessions temporaires.

  • La propriété est ce que l’on parvient à s’approprier et à conserver par la force.

  • La société n’est qu’un jeu d’expropriation permanente, où le plus fort impose sa loi.


5. Le contrat : l’association d’égoïstes

Stirner propose une alternative au contrat social classique : l’association d’égoïstes.

  • Ce contrat n’a rien de moral ou d’absolu : il est passager, stratégique et utilitaire.

  • Il permet aux faibles de s’unir pour constituer une force collective.

  • C’est une logique de résistance micro-politique, anticipant les notions de micro-résistances chez Foucault, Deleuze et Guattari.


6. Contre l’État, le socialisme et le communisme

Stirner refuse toutes les institutions (État, famille, Église, parti). Il voit dans le socialisme et le communisme :

  • Une aliénation nouvelle, fondée sur le sacrifice de soi au nom d’une abstraction.

  • Une forme d’État-papa, qui démotive les individus. Il défend l’autonomie intégrale de l’unique, contre tout projet collectiviste.


7. Le renversement des responsabilités

Stirner reprend l’intuition de La Boétie : si la domination existe, c’est parce que les dominés y consentent. Il renverse la logique culpabilisante :

  • Le tyran n’est pas seul responsable.

  • Le dominé est complice de sa propre soumission, par lâcheté, peur ou inertie. C’est une philosophie de la responsabilité individuelle intégrale.


8. La morale du succès : mensonge, parjure et crime justifiés

Dans sa critique de la morale kantienne, Stirner soutient que :

  • Le mensonge peut être un acte héroïque, si le contexte le justifie.

  • Le parjure est légitime si les circonstances ont changé.

  • Le crime est moralement neutre : ce qui compte, c’est la réussite. Si l’acte réussit, il est légitime ; sinon, l’échec est la preuve de sa faiblesse.


9. L’individu contre la totalité

Stirner est un philosophe de l’unicité radicale :

  • L’individu ne doit rien à l’universel.

  • Il est prioritaire sur toutes les institutions : le droit, l’État, la religion, la morale, la vérité.

  • Il est centre de sa propre légitimité, ce qui en fait un précurseur de l’existentialisme, comme le notait Henri Arvon.


💡 Conclusion

Stirner incarne une radicalité philosophique absolue, opposée à toute transcendance, tout système et toute norme. Il proclame la souveraineté de l’unique, l’autonomie totale face aux structures sociales, politiques ou morales. Son œuvre, violente, dérangeante, parfois amorale, est aussi une philosophie de la responsabilité, de la liberté et de l’insoumission. Face au totalitarisme hégélien, Stirner apparaît comme un contrepoison libertaire, une invitation à se réapproprier son existence.


📚 Philosophes mentionnés

  • Platon (env. 428–348 av. J.-C.) — Philosophe grec, fondateur de l’idéalisme.

  • Étienne de La Boétie (1530–1563) — Philosophe français, auteur du Discours de la servitude volontaire.

  • Hobbes (1588–1679) — Philosophe anglais, auteur du Léviathan, théoricien de l’état de nature comme guerre de tous contre tous.

  • Immanuel Kant (1724–1804) — Philosophe allemand, défenseur du devoir moral absolu.

  • Georg Wilhelm Friedrich Hegel (1770–1831) — Philosophe allemand, théoricien de la dialectique et de l’État.

  • Heinrich Heine (1797–1856) — Poète et essayiste allemand, critique de Hegel et de l’idéalisme allemand.

  • Max Stirner (1806–1856) — Philosophe allemand, auteur de L’Unique et sa propriété, figure de l’individualisme radical.

  • Pierre-Joseph Proudhon (1809–1865) — Théoricien socialiste libertaire, auteur de Qu’est-ce que la propriété ?.

  • Charles Darwin (1809–1882) — Naturaliste britannique, auteur de L’Origine des espèces, influence indirecte de Stirner.

  • Friedrich Nietzsche (1844–1900) — Philosophe allemand, lecteur de Stirner, critique de la morale chrétienne.

  • Henri Arvon (1914–1992) — Philosophe français, spécialiste de l’existentialisme et de Stirner.

  • Gilles Deleuze (1925–1995) — Philosophe français, auteur avec Guattari de Mille Plateaux.

  • Michel Foucault (1926–1984) — Philosophe français, théoricien des micro-pouvoirs et des résistances diffuses.

  • Félix Guattari (1930–1992) — Philosophe et psychanalyste français, co-auteur avec Deleuze.

  • André Glucksmann (1937–2015) — Philosophe français, auteur des Maîtres penseurs, critique du totalitarisme hégélien.


Crédits : Michel Onfray et la Contre-histoire de la philosophie

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