Open Mind Galaxy
Regards Philo
CHP11 - 07. Comment mener une vie philosophique ?
0:00
-58:49

CHP11 - 07. Comment mener une vie philosophique ?

Le siècle du moi - 1ère partie

1. Introduction

Dans cet épisode, Michel Onfray poursuit l’analyse de Henry David Thoreau à travers la question centrale : comment mener une vie philosophique ? Il propose une lecture qui s’inscrit dans la tradition antique de la philosophie comme mode de vie, plutôt que comme simple discours académique. Onfray oppose cette conception pratique de la philosophie à l’émergence des professeurs de philosophie du XIXe siècle, incarnant le basculement vers un savoir théorique détaché de l’existence.

Thoreau in his second and final photographic sitting, August 1861.
Thoreau in his second and final photographic sitting, August 1861.

2. Les trois figures alternatives du philosophe

Onfray revient sur trois figures chères à Thoreau qui illustrent cette vie philosophique concrète :

  • L’Indien, proche de la nature, modèle d’autonomie et d’harmonie.

  • Le bûcheron, homme simple qui incarne une sagesse pratique sans érudition livresque.

  • Le brahmane, inspiré par les textes védiques, vivant selon une sagesse intérieure, sans ostentation ni prosélytisme.

Ces figures permettent à Thoreau de proposer une philosophie existentialiste, immanente et incarnée, en rupture avec les académismes européens.


3. Critique radicale de la modernité

Dès ses années à Harvard, Thoreau rédige un texte critique intitulé L’esprit commercial des temps modernes, où il dénonce :

  • Le culte de la technique, du commerce, de l’industrie.

  • La ville, symbole d’aliénation, d’accélération et d’asservissement salarial.

  • La déconnexion entre l’homme moderne et la nature.

Thoreau ne propose pas une révolution sociale comme Marx, mais une révolution intérieure, une réforme individuelle face à la modernité.


4. Éloge de la simplicité et de l’autonomie

Thoreau prône une vie fondée sur :

  • La réduction des besoins, en écho à l’épicurisme.

  • Le rejet de la consommation et de l’accumulation.

  • L’autosuffisance, rendue possible par la vie à la campagne.

Il devient ainsi une référence pour les mouvements futurs prônant la décroissance, l’écologie, et l’autonomie individuelle, des hippies aux décroissants modernes.


5. Technologie et écologie : deux visions antagonistes

Onfray oppose la position technophobe de Thoreau à celle de John Adolphus Etzler, contemporaine du XIXe siècle :

  • Etzler imagine un paradis technologique fondé sur les énergies renouvelables, l’exploitation des machines, la fin du travail humain et la prospérité urbaine.

  • Thoreau rejette cette utopie, considérant que les besoins essentiels sont simples et que le bonheur réside dans la connexion avec la nature, non dans la profusion technologique.

Cette opposition demeure actuelle : écologie technophile (Etzler) versus écologie technophobe (Thoreau).


6. Observer la nature comme exercice philosophique

Thoreau propose une philosophie empirique de l’observation :

  • Observer les cycles de la nature, les variations du temps, la croissance des plantes.

  • Noter ces observations quotidiennement, afin de créer une encyclopédie du réel.

  • Faire de chaque détail du monde naturel une source d’enseignement existentiel.

Il se situe dans la lignée des philosophies du sublime, à la manière des romantiques, où l’infiniment grand comme l’infiniment petit révèlent la condition humaine.


7. La ville, pathogène et criminogène

Thoreau voit dans la ville un lieu d’aliénation et de dépression :

  • Coupée de la nature, elle génère frustrations, consumérisme, maladies mentales et morales.

  • Il oppose cette réalité à la sérénité, la santé et la paix trouvées dans la ruralité et l’intimité avec la nature.


8. Mener une vie philosophique : les règles selon Thoreau

Onfray résume les grandes règles thoreauviennes :

  1. Jouir du pur plaisir d’exister, à chaque instant.

  2. Vouloir son bonheur, le construire activement.

  3. Se remettre au centre de soi, ne pas vivre pour autrui ou pour des valeurs extérieures (argent, réputation, pouvoir).

  4. Réduire ses besoins, pour maximiser sa liberté et sa joie.

  5. Habiter l’instant présent, vivre ici et maintenant.

  6. Transformer le négatif en positif : que ce soit la prison, un incendie, une charogne ou l’agonie, chaque expérience doit être vécue pleinement.


💡 Conclusion

Michel Onfray met en lumière la radicalité existentielle de Thoreau : il s’agit de vivre philosophiquement, non de théoriser la philosophie. Refuser les valeurs consuméristes, les diktats de la modernité et les aliénations urbaines, pour se recentrer sur l’essentiel : la nature, la simplicité, la liberté intérieure. Une vie philosophique est avant tout une vie authentique, sobre, joyeuse, fondée sur la maîtrise de soi et l’observation attentive du monde.


📚 Philosophes et concepts mentionnés

  • Socrate (env. 470-399 av. J.-C.) — Philosophe grec, défenseur du "connais-toi toi-même".

  • Diogène de Sinope (env. 412-323 av. J.-C.) — Philosophe cynique, prônant le dénuement et la liberté.

  • Épicure (341-270 av. J.-C.) — Philosophe grec, fondateur de l’hédonisme réfléchi.

  • Montaigne (1533-1592) — Philosophe français, auteur des Essais, défenseur de l’introspection.

  • Spinoza (1632-1677) — Philosophe rationaliste, auteur de l’Éthique, prônant la béatitude.

  • Arthur Schopenhauer (1788-1860) — Philosophe pessimiste allemand, contemporain de Thoreau.

  • John Adolphus Etzler (1791-1846) — Inventeur et théoricien utopiste, défenseur d’un progrès technologique au service du bonheur.

  • Ralph Waldo Emerson (1803-1882) — Philosophe transcendantaliste américain.

  • Henry David Thoreau (1817-1862) — Philosophe américain, figure majeure du transcendantalisme, de la désobéissance civile et de l’écologie.

  • Pierre Hadot (1922-2010) — Philosophe français, théoricien de la philosophie comme mode de vie.


Crédits : Michel Onfray et la Contre-histoire de la philosophie

Discussion à propos de cet épisode