1. Introduction
Dans cet épisode, Michel Onfray débute l’analyse du philosophe Arthur Schopenhauer, en s’attachant à montrer comment sa pensée pessimiste s’est construite à partir de son expérience biographique. Il défend l’idée qu’aucun philosophe ne naît philosophe : il le devient, façonné par son environnement familial, son époque et ses blessures. L’objectif est donc de comprendre comment Schopenhauer est devenu ce penseur tragique, pessimiste et misanthrope.
2. Une famille toxique : origine du tempérament pessimiste
Onfray insiste sur le contexte familial de Schopenhauer :
Un père dépressif, angoissé et suicidaire, avec des antécédents familiaux lourds (deux oncles internés, une grand-mère folle).
Une mère hystérique, colérique, mondaine et futile, peu aimante, davantage préoccupée par sa réputation sociale que par ses enfants.
Une sœur malheureuse, tentée par le suicide, vivant à l’ombre maternelle sans autonomie affective.
Ce climat familial explique la méfiance de Schopenhauer vis-à-vis des liens sociaux et affectifs, et alimente son rapport douloureux au monde.
3. Un apprentissage imposé, source de rébellion intérieure
Le père voulait faire de son fils un négociant, comme lui. Schopenhauer, bien qu'intéressé par les sciences et la philosophie, accepte cet apprentissage par soumission. Cette tension entre ses aspirations profondes et le destin familial imposé le rend amer, cynique, et accentue son sentiment d’inadéquation face à la société.
4. Le voyage initiatique : émergence des intuitions philosophiques
Entre 1803 et 1804, il voyage à travers l’Europe (France, Angleterre, Autriche, Suisse, Italie) avec sa famille. Ce périple est fondateur :
Il découvre le sublime face à la nature (Alpes, cataractes, glaciers), expérience décisive dans sa future philosophie esthétique.
Il assiste à des scènes marquantes (bagne de Toulon, pauvreté à Bordeaux, pendaisons publiques à Londres) qui confirment sa vision tragique du monde.
Il découvre les œuvres d’art majeures (Raphaël, Michel-Ange) et assiste à des opéras (Mozart), posant les bases de sa future réflexion sur l’art et la musique.
5. Influence des grands auteurs et premiers rejets sociaux
Durant ses années d’étude, Schopenhauer lit Platon, Kant, Helvétius, Chamfort, Gracián, et intègre les grandes lignes de sa philosophie : primat de la volonté, illusion des représentations, importance du sublime.
Parallèlement, ses relations sociales sont conflictuelles :
Il est sarcastique, redresseur de torts, méprisant envers ses professeurs.
Ses échanges avec sa mère deviennent tendus, violents, marqués par des reproches constants.
6. Le refus des trois piliers sociaux : travail, famille, patrie
Très tôt, Schopenhauer rejette :
Le travail comme aliénation.
La famille comme structure oppressive.
La patrie comme autorité extérieure.
Il cherche à vivre en rentier, indépendant, sans attaches, fidèle à l’idéal d’autonomie radicale.
7. La découverte du bouddhisme et l’importance du vouloir
Un moment clé de son voyage : sa découverte d’une statue de Bouddha à Amsterdam. Cette rencontre influence sa philosophie :
Il adhère à l’idée que l’existence est souffrance.
Il développera plus tard sa théorie du vouloir-vivre, principe aveugle et universel source de douleur, à laquelle il opposera la négation du vouloir.
💡 Conclusion
Michel Onfray montre comment la philosophie pessimiste et tragique de Schopenhauer s’enracine profondément dans son vécu familial, ses voyages, ses lectures et ses expériences fondatrices. Loin d’être un pur théoricien déconnecté, Schopenhauer est avant tout un philosophe existentiel, dont la pensée s’élabore comme réponse à un monde ressenti comme hostile. Pourtant, au cœur même de ce pessimisme, subsiste une aspiration au bonheur à travers l’art, la contemplation et la quête d’autonomie.
📚 Philosophes et concepts mentionnés
Bouddha (env. VIe siècle av. J.-C.) — Fondateur du bouddhisme, influence majeure de Schopenhauer.
Platon (env. 428-348 av. J.-C.) — Philosophe grec, penseur du monde des idées.
Épicure (341-270 av. J.-C.) — Philosophe grec, défenseur de l’ataraxie et de la réduction des désirs.
Longin (IIIe siècle) — Théoricien du sublime dans l'Antiquité.
Balthasar Gracián (1601-1658) — Philosophe et moraliste espagnol, traduit par Schopenhauer.
Blaise Pascal (1623-1662) — Philosophe français, auteur du Pari, pessimiste sur la condition humaine.
David Hume (1711-1776) — Philosophe empiriste écossais, cité en filigrane.
Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) — Philosophe des Lumières, auteur du Contrat social.
Emmanuel Kant (1724-1804) — Philosophe allemand, fondateur de l’idéalisme transcendantal.
Arthur Schopenhauer (1788-1860) — Philosophe allemand, auteur du Monde comme volonté et comme représentation, penseur pessimiste et anti-hégélien.
Friedrich Nietzsche (1844-1900) — Philosophe allemand, lecteur enthousiaste de Schopenhauer, théoricien du surhomme.
Crédits : Michel Onfray et la Contre-histoire de la philosophie
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