Introduction
Ce cinquième épisode approfondit l’analyse biographique de Freud en examinant les incohérences et les falsifications entourant son origine familiale. Michel Onfray déconstruit le récit officiel pour révéler un « roman familial extravagant » : une fiction biographique destinée à masquer des éléments gênants. Loin d’être anodins, ces mensonges traduisent une stratégie de réécriture de soi, essentielle à la construction du discours psychanalytique.
1. Une famille recomposée complexe et silencieuse
Freud naît dans un contexte familial peu ordinaire :
Son père Jakob, veuf deux fois, a eu des enfants avant son mariage avec Amalia, la mère de Freud.
Les demi-frères de Freud sont plus âgés que sa propre mère.
Freud brouille les pistes : il présente ses demi-frères comme des « oncles », efface des membres proches de ses écrits, notamment Emmanuel.
Ce silence sur une partie de la famille indique un effort de censure, révélateur d’un malaise identitaire profond.
2. Des zones d’ombre biographiques délibérées
Plusieurs incohérences biographiques sont soulignées :
Freud avance des souvenirs d’enfance datés de périodes où il n’était pas encore né.
Il ne parle jamais de ses grands-parents.
Des figures clés (comme un demi-frère banquier) sont effacées.
Cette stratégie de dissimulation témoigne d’un processus actif de réécriture, qui participe à la création d’un mythe personnel plutôt qu’à un récit véridique.
3. La sexualisation des souvenirs d’enfance
Les souvenirs freudiens mêlent souvent :
Le fantasme sexuel (être caressé, regardé nu),
Le rapport au corps et à la nudité dans l’espace familial,
Une sensualité maternelle parfois érotisée.
Ces éléments deviennent ensuite des piliers de la théorie psychanalytique, notamment sur la sexualité infantile ou le complexe d’Œdipe, comme s’il généralisait à l’humanité ce qui relève de sa propre histoire.
4. Construction d’une figure héroïque
Freud met en scène son ascension :
Enfant surdoué, voué à une grande destinée,
Identification à Hannibal ou Moïse,
Silences et embellissements visant à valoriser la figure du fondateur.
Onfray y voit un besoin de contrebalancer une origine trouble par une mythologie personnelle glorieuse, destinée à assoir son autorité intellectuelle.
5. Le roman familial comme matrice de la psychanalyse
La construction imaginaire de Freud préfigure celle de ses concepts :
Le refoulement biographique alimente le refoulement théorique.
Le silence sur ses origines nourrit une science du non-dit.
L’effacement familial devient la matrice d’une discipline fondée sur le secret, le symptôme et l’interprétation.
La psychanalyse prolonge ainsi le processus d’auto-fiction initié dès l’enfance.
💡 Conclusion
Ce cinquième épisode révèle les racines fictionnelles de la psychanalyse : le roman familial que Freud a construit pour masquer des éléments dérangeants devient la source même de sa théorie. En effaçant des pans entiers de sa biographie, en remplaçant la vérité par une mise en scène, Freud ne fonde pas une science, mais une autobiographie codée. Lire Freud, c’est ainsi apprendre à décrypter un récit d’autojustification où le mythe remplace la mémoire.
📚 Philosophes mentionnés
Friedrich Nietzsche (1844 – 1900) — Philosophe de la généalogie et du soupçon, défenseur d’une lecture critique des origines et des fictions identitaires.
Sigmund Freud (1856 – 1939) — Médecin viennois, fondateur de la psychanalyse, auteur d’un récit familial mythifié au fondement de sa théorie.
Ernest Jones (1879 – 1958) — Psychanalyste britannique, premier biographe officiel de Freud, acteur majeur de la construction de la légende freudienne.
Crédits : Michel Onfray et la Contre-histoire de la philosophie
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